Fundamentos destacados: 7. Ni el artículo 8 del Convenio, que protege el derecho al respeto de la vida privada, incluido el derecho a la autonomía personal, ni ninguna otra disposición del Convenio pueden utilizarse, con el pretexto o con el objetivo sincero de proteger el derecho al respeto de la vida privada, la autonomía o el respeto de la dignidad humana, para negar el derecho a la vida. La vida de todo ser humano es única, preciosa, insustituible y digna de respeto por parte de todos, incluido el Estado, y mantener o preservar la vida humana no debe depender en modo alguno del margen de apreciación que se deja a los Estados miembros. Privado de su vida, su bien más preciado y querido, un individuo no puede ejercer ni disfrutar de ninguno de sus demás derechos fundamentales, y estos derechos quedan entonces vacíos de contenido…»; en consecuencia, es el artículo 2, y no el artículo 8, el que debe constituir el criterio o punto de comparación para apreciar la compatibilidad entre los derechos consagrados en ambos artículos, y el principio de coherencia o armonía interna entre las disposiciones del Convenio -que es un aspecto o función del principio de efectividad (protección efectiva de los derechos humanos)- debe ejercerse de este modo y desde esta perspectiva, de modo que sea el artículo 2 el que prevalezca en relación con la cuestión que nos ocupa. También debe tenerse en cuenta que, a diferencia del artículo 8, el artículo 2 no es derogable en virtud del artículo 15 § 2 del Convenio, salvo en tiempo de guerra. El derecho al respeto de la dignidad humana implícito en el artículo 8 no puede invocarse de manera que se niegue el derecho a la vida protegido por el artículo 2, por dos razones: en primer lugar, el derecho al respeto de la dignidad humana subyace en todas las disposiciones del Convenio, incluido, por supuesto, el artículo 2; en segundo lugar, el artículo 2 es, junto con los Protocolos nº 6 y 13 del Convenio (que prohíben la pena de muerte), una de las disposiciones más importantes del Convenio, que puede considerarse el arco protector del valor de la vida humana.
[Traducción de LP]
7. Ni l’article 8 de la Convention, qui protège le droit au respect de la vie privée, dont le droit à l’autonomie personnelle, ni aucune autre disposition de la Convention ne peuvent, au prétexte ou dans le but sincère de protéger le droit au respect de la vie privée, à l’autonomie ou au respect de la dignité humaine, être employés pour nier le droit à la vie. La vie de chaque être humain est unique, précieuse, irremplaçable et digne d’être respectée par tous, même l’État, et maintenir ou préserver la vie humaine ne doit pas dépendre de quelque manière que ce soit de la marge d’appréciation laissée aux États membres. Privé de sa vie, son bien le plus cher et le plus précieux, un individu ne peut exercer aucun autre de ses droits fondamentaux ou en jouir, et ces droits se trouvent alors vidés de leur substance ; en conséquence, c’est l’article 2, et non l’article 8, qui doit être l’étalon, ou le point de comparaison, à l’aune duquel la compatibilité entre les droits consacrés par ces deux articles doit être appréciée, et le principe de la cohérence interne ou de l’harmonie entre les dispositions de la Convention – qui est un aspect ou une fonction du principe d’effectivité (protection effective des droits humains) – devrait être exercé de cette manière et dans cette optique, de sorte que ce soit l’article 2 qui l’emporte concernant la question examinée. Il ne faut pas non plus oublier que contrairement à l’article 8, l’article 2 ne souffre aucune dérogation en vertu de l’article 15 § 2 de la Convention, sauf en temps de guerre. Le droit au respect de la dignité humaine que consacre implicitement l’article 8 ne peut être invoqué de manière à nier le droit à la vie protégé par l’article 2, et ce pour deux raisons : premièrement, le droit au respect la dignité humaine sous-tend toutes les dispositions de la Convention, y compris, bien entendu, l’article 2 ; deuxièmement, l’article 2 est, avec les Protocoles nos 6 et 13 à la Convention (qui prohibent la peine de mort), l’une des dispositions les plus importantes de la Convention, que l’on peut considérer comme l’arche protectrice de la valeur et de la vie humaines.
[Original]
ARRÊT MORTIER c. BELGIQUE – OPINIONS SÉPARÉES
OPINION EN PARTIE DISSIDENTE DU JUGE SERGHIDES
(Traduction)
I. Introduction
1. La présente affaire concerne l’euthanasie active de la mère du requérant, qui fut pratiquée à l’insu de celui-ci et de sa sœur. L’acte en question fut accompli par injection létale par le professeur D., médecin exerçant dans un hôpital public (paragraphe 27).
2. Si je souscris aux points 1, 2, 7 et 8 du dispositif, je me dissocie respectueusement de ses points 3, 4 et 6, ayant voté en faveur d’un constat de violation des articles 2 (droit à la vie) et 8 (droit au respect de la vie privée) de la Convention, respectivement. Sur le point 5 du dispositif, qui concerne les défaillances du contrôle a posteriori de la procédure d’euthanasie, j’ai voté en faveur d’un constat de violation de l’article 2, non pas parce que j’admets ou sous-entends que l’euthanasie est ou était autorisée au regard de la Convention, mais simplement parce que ces défaillances s’analysent en une violation supplémentaire, venant s’ajouter à celle découlant de l’euthanasie proprement dite.
II. L’article 2 de la Convention prohibe-t-il l’euthanasie ?
3. L’article 2 de la Convention protège le droit à la vie de tous, et ni cette disposition, ni aucun autre article de la Convention, ne consacre le droit de mourir.
4. L’article 2 de la Convention ne mentionne pas l’euthanasie, ou tout acte se rapportant à cette pratique, que ce soit comme une exception au droit à la vie (voir le premier paragraphe de cet article) ou comme une circonstance ou un événement « n’[étant] pas considéré comme infligé en violation » dudit droit (voir le second paragraphe du même article). Or, la question de l’existence d’éléments ou de garanties jouant un rôle de contrepoids ne se pose pas pour une exception qui n’existe pas.
5. Avec tout le respect que je dois à la jurisprudence de la Cour et à l’opinion de mes estimés collègues de la majorité, et tout en restant, je pense, fidèle à l’objectif de la Convention que constitue la protection effective du droit à la vie, je crois qu’aucune forme d’euthanasie, ni aucun cadre législatif entourant pareille pratique – quelles qu’en soient la qualité ou les « garanties » associées – ne peut préserver le droit à la vie consacré par l’article 2 de la Convention : le but de l’euthanasie est de mettre fin à la vie, tandis que celui de l’article 2 est de la préserver et la protéger. Je pense humblement, qu’au contraire, toute forme d’euthanasie ou de cadre législatif entourant pareille pratique non seulement serait dépourvue de base légale au regard de la Convention, mais aussi serait contraire au droit fondamental de la Convention que constitue le droit à la vie. En d’autres termes, je me demande comment le droit à la vie pourrait demeurer un droit concret et effectif si l’on était prêt à accepter une procédure, d’euthanasie en particulier, qui reviendrait à le nier. Si les rédacteurs de la Convention avaient voulu faire figurer l’euthanasie dans la liste des exceptions au droit à la vie, ils l’auraient incluse soit dans l’article 2 de la Convention soit dans un protocole séparé.
Or, ils n’ont rien fait de tel. De même que l’exception au droit à la vie prévue par l’article 2 § 1, consistant à infliger la mort en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal, a été supprimée de la Convention par les Protocoles nos 6 et 13 à la Convention, l’euthanasie pourrait, si les États membres y consentaient, être ajoutée par la voie d’un nouveau protocole à la liste des exceptions au droit à la vie. C’est pourquoi, avec tout le respect que je dois à mes estimés collègues, je considère qu’en l’absence d’un tel protocole ou d’une modification de l’article 2, les autorités internes ne peuvent pas considérer l’euthanasie comme une pratique non contraire à la Convention, ou compatible avec elle, et chercher de ce fait à la réglementer.
6. D’aucuns considèrent que si l’article 2 § 2 de la Convention ne traite pas de la question de l’euthanasie ou est silencieux sur ce point, c’est parce que cette disposition traite exclusivement du recours à la force létale par des agents de l’État contre des personnes et qu’il n’interdit donc pas l’euthanasie.
Toutefois, cet argument n’est pas valable. En effet, l’article 2 § 2 devrait être lu conjointement avec l’article 2 § 1, qui protège la vie de tous, que la menace émane d’agents de l’État ayant recours à la force létale ou d’organes publics recourant à des procédures et des pratiques d’euthanasie, ou encore d’un manquement de l’État à l’obligation de prendre des mesures positives pour protéger toute personne contre des actes de tiers ou des menaces, environnementales notamment, mettant sa vie en péril. Toute autre lecture ne laisserait aucune place à l’obligation positive faite aux États membres de préserver la vie humaine, qui figure parmi les déclarations et les développements les plus importants de la jurisprudence de la Cour. La protection offerte par l’article 2 doit être globale plutôt que fragmentaire, et l’article 2 doit être lu d’une manière cohérente, propre à garantir une protection effective du droit à la vie quelle que soit la menace.
III. L’étalon utilisé pour apprécier la compatibilité entre les droits consacrés par les articles 2 et 8 de la Convention doit être l’article 2 et non l’article 8
7. Ni l’article 8 de la Convention, qui protège le droit au respect de la vie privée, dont le droit à l’autonomie personnelle, ni aucune autre disposition de la Convention ne peuvent, au prétexte ou dans le but sincère de protéger le droit au respect de la vie privée, à l’autonomie ou au respect de la dignité humaine, être employés pour nier le droit à la vie. La vie de chaque être humain est unique, précieuse, irremplaçable et digne d’être respectée par tous, même l’État, et maintenir ou préserver la vie humaine ne doit pas dépendre de quelque manière que ce soit de la marge d’appréciation laissée aux États membres. Privé de sa vie, son bien le plus cher et le plus précieux, un individu ne peut exercer aucun autre de ses droits fondamentaux ou en jouir, et ces droits se trouvent alors vidés de leur substance ; en conséquence, c’est l’article 2, et non l’article 8, qui doit être l’étalon, ou le point de comparaison, à l’aune duquel la compatibilité entre les droits consacrés par ces deux articles doit être appréciée, et le principe de la cohérence interne ou de l’harmonie entre les dispositions de la Convention – qui est un aspect ou une fonction du principe d’effectivité (protection effective des droits humains) – devrait être exercé de cette manière et dans cette optique, de sorte que ce soit l’article 2 qui l’emporte concernant la question examinée. Il ne faut pas non plus oublier que contrairement à l’article 8, l’article 2 ne souffre aucune dérogation en vertu de l’article 15 § 2 de la Convention, sauf en temps de guerre. Le droit au respect de la dignité humaine que consacre implicitement l’article 8 ne peut être invoqué de manière à nier le droit à la vie protégé par l’article 2, et ce pour deux raisons : premièrement, le droit au respect la dignité humaine sous-tend toutes les dispositions de la Convention, y compris, bien entendu, l’article 2 ; deuxièmement, l’article 2 est, avec les Protocoles nos 6 et 13 à la Convention (qui prohibent la peine de mort), l’une des dispositions les plus importantes de la Convention, que l’on peut considérer comme l’arche protectrice de la valeur et de la vie humaines.
[Continúa…]
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